INITIATION A LA T. S. F.

par
BAUDRY DE SAUNIER

LE NOUVEAU MIRACLE...

LES phénomènes de sans-fil, auxquels s'accroche aujourd'hui avec tant d'enthousiasme l'engouement populaire, semblent à presque tout le monde constituer le spectacle décidément le plus extravagant auquel un homme âgé d'une cinquantaine d'années ait jamais pu assister.
Et cependant cet homme, toute sa vie, a été par la science gavé sans arrêt de merveilles nouvelles. Il a passé toute sa vie à crier au miracle!
I1 a vu dans la photographie la lumière, en un centième de seconde parfois, dessiner sur une pellicule des portraits plus fidèles, des paysages plus fouillés, et avec toutes leurs couleurs, qu'aucun artiste n'en a jamais pu réaliser par de longues semaines de labeur ; il a vu ces portraits et ces paysages prendre dans la cinématographie le mouvement même qui anime la nature.
Il a appris tout à coup par l'électricité à s'éclairer sans flamme, à chauffer sans feu ses fours ; à transmettre par le téléphone, sur deux fils de cuivre, sa parole ; à transformer les chutes d'eau en milliers de chevaux qui tirent les tramways et les trains.
Il s'est mis, avec la bicyclette, sur deux cerceaux, à courir plus vite et plus longtemps qu'aucun animal. Sous ses yeux, les voitures ont commencé à rouler toutes seules sur les routes ; bien qu'elles pèsent souvent plus de 2,000 kilos, certaines laissent à peine trace de leur passage sur la neige fraîche et le sable mouvant où, lui, qui n'en pèse que 70, enfonce jusqu'à la ceinture. Les diligences volent à 1.800 mètres d'altitude, beaucoup plus haut et plus vite que les oiseaux.
Le monde des infiniment petits s'est grand ouvert à l'homme depuis que Pasteur en a forgé la clé; on sait imposer du travail à un microbe, comme à un bœuf ; on lui ordonne de faire de la végétation, du pain, du vin, de l'alcool, du cuir, du fromage, etc., selon la formule qui nous plaît; on sait mettre la muselière aux bactéries féroces.La féerie étincelle tout le temps depuis cinquante ans, et de tous les côtés !
Vraiment, dans cette liste, si incomplète encore, des miracles dont 1e demi-siècle dernier a été le principal témoin, quel phénomène est inférieur à la sans-fil pour la stupéfaction qu'il a d'abord donnée à notre esprit? Puis il est devenu peu à peu notre familier. Quelques années plus tard, nous avons jugé la vie impossible sans lui.
Miracles se transforment vite en banalités. Ils ne nous paraissent extraordinaires que pendant le temps qu'il leur faut pour devenir ordinaires.
La sans-fil est donc pour nous tous " le miracle qui vient ". Et c'est en effet une très grande révolution de plus qui s'amorce actuellement. Dès maintenant, où que vous soyez, sur la terre, sur l'eau ou dans l'air, on peut, d'un point quelconque, vous envoyer à travers l'espace, sans le moindre fil de liaison, un signal, une phrase, un discours, voire un concert.
Les conséquences de la sans-fil, nous les étudierons à la fin de l'étude. Il faut qu'auparavant nous apprenions clairement et exactement ce qu'elle est.
Pour essayer de comprendre les phénomènes qui se passent là, nous devons commencer par acquérir ce qu'on pourrait appeler l'état d'âme nécessaire à cette compréhension et placer notre discussion dans une région mentale assez élevée. D'un sommet on embrasse mieux les phénomènes et leurs liens, comme les méandres des fleuves et des routes qui unissent entre elles les bourgades.

SOYONS HUMBLES

Nous allons être mis en présence de faits que nos sens ne peuvent absolument pas admettre. Notre premier devoir est de nous bien persuader de l'inaptitude radicale du mécanisme humain à mesurer les phénomènes de la vie. Non que je veuille faire un prône sur l'humilité nécessaire à mes frères et à moi-même, mais parce que, si nous abdiquions sincèrement- et définitivement tout orgueil, nous ne serions plus portés à juger invraisemblable un phénomène pour le simple motif que notre système nerveux ne l'enregistre pas.
Par exemple, lorsque nous allons nous trouver en présence. mentale d'ondes- qu'une pauvre petite étincelle lance à la vitesse de 300.000 kilomètres à la seconde, et parmi la terre entière, nous qui sommes habitués à taxer de " vitesse folle " le rampement d'une automobile à 150 kilomètres à l'heure, nos sens vont malgré nous. se révolter. Probablement nous penserons : " Après tout" qui prouve ce fait, cette vitesse?... Comment y croire "
La réponse à ce doute est péremptoire. C'est la connaissance précise de cette vitesse (celle de la lumière) qui a permis aux astronomes de mesurer les distances des corps célestes entre eux, leurs volumes, les allures de leurs déplacements dans l'espace et, par exemple, d'établir, souvent plus de cent ans d'avance, qu'à tels jour, heure, minute et seconde (Commencera tel phénomène .céleste - la : dernière éclipse totale de soleil, visible à Paris, ayant eu lieu en 1724 - d'annoncer que la prochaine n'aura lieu qu'en 2026.
Il y a deux ans, le 8 avril 1921, au moment précis annoncé, à 11 heures 3 minutes 28 secondes, une éclipse partielle se produisit, visible à Paris. Le plus sceptique des hommes admettra, je pense, que les astronomes ont

donné ainsi, une fois de plus, la preuve de la certitude de leurs chiffres, car il semble qu'il leur soit assez difficile de s'entendre avec le Grand Mécanicien de la nature pour établir, à l'intention du public, " un chiqué "...
Donc, si ahurissants que paraissent à notre entendement grossier les phénomènes dont je vais parler, faisons-en toujours juge non pas notre système nerveux, mais notre raison.
Notre raison, d'ailleurs, quelque démesurée que soit l'estime où nous la tenions, ne saurait pas, en matière de T. S. F., nous mener plus loin qu'elle n'a pouvoir de le faire en n'importe quelle question. Quand nous disons : " Quels mystères que ces ondes !... Ah! saura-t-on jamais? ", nous oublions que le même soupir conviendrait avec autant d'à-propos à n'importe quel phénomène, énorme ou minuscule, dont nous sommes témoins ou jouets. On ne sait et on ne saura jamais, à tout jamais, ni pourquoi un courant oscillant, déterminé par une bobine et un condensateur, ébranle l'éther, ni pourquoi l'attaque d'un métal par un liquide dans une pile provoque tout le long d'un câble sous-marin le déplacement d'une force qu'on mesure, qu'on dirige et qui actionne des appareils à signaux; pas plus, d'ailleurs, qu'on ne sait et ne saura jamais pourquoi pousse et se développe un chou, pourquoi une pomme qui se détache de l'arbre tombe sur le sol, etc.
Contentons-nous d'essayer de constater exactement les faits, et de prétendre les enchaîner logiquement. Les effets sont notre lot. où nous pataugeons à l'envi. Mais la connaissance des causes demeure interdite à l'esprit humain. Il faut courber la tête et se résigner à ne pas savoir

 

LE DOMAINE DES ONDES

Ce domaine n'est pas nouveau pour nous. Aucun ne nous est plus familier. Mais nous vivons en lui, nous vivons même par lui, sans le savoir, d'ordinaire.
Nos sens ne sont que des antennes, spécialisées chacune à une fonction, sur lesquelles viennent frapper des ondes particulières. Le son résulte de la commotion, plus ou moins répétée en une seconde (la hauteur du son dépend de cette fréquence), que donnent à nos nerfs auditifs des ondes de l'air. La lumière est le résultat de l'ébranlement ultra-rapide qu'apportent à nos nerfs optiques les ondes d'un fluide universel dont nous allons avoir à traiter tout spécialement en cette étude : l'éther. Il est certain que le toucher, le goût, l'odorat résultent aussi d'oscillations spéciales.
En réalité, nous vivons dans un enchevêtrement d'ondes de toutes natures, de toutes grandeurs et de toutes formes ; il serait superflu d'essayer d'en décrire la complexité. Mais, bien que nous ayons décrété modestement que les Hommes sont les merveilles de l'univers et tout à fait constitués à l'image de Dieu, nous sommes en réalité des mécanismes si rudimentaires que la presque totalité de ces ondes ne produit sur nous aucun effet, pas plus qu'un flot d'éloquence n'impressionne un escargot Les ondes que perçoivent toutes les hirondelles pour se réunir à l'approche de l'hiver, celles qui vont chercher au loin les guêpes et les mouches dorées pour, leur apprendre que le festin est servi, aussi bien que les ondes puissantes de la télépathie, de la prévision, de la sympathie ou de la haine, les commotions des idées, toute l'intercommunication des êtres nous traverse sans même que nous nous en apercevions!
Nous percevons quelques ondes de l'air (les sons). - Seules, quelques ondes nous font vibrer, celles de l'air par exemple. Encore ne sommes-nous capables de les percevoir que dans des limites étonnamment étroites. Prouvons-le.
Pinçons dans un étau une lame d'acier, en s'en laissant dépasser qu'un centimètre au-dessus des mâchoires. Au moyen d'un instrument quelconque, courbons ce bout de lame, puis lâchons-le brusquement. Il se met à vibrer extrêmement vite; mais nous constatons que nous voyons:, nous n'entendons pas vibrer la lame.
Si nous allongeons le bout qui dépasse le dessus de l'étau, la lame vibre un peu moins vite. Alors nos yeux continuent à la voir osciller; mais en même temps nos oreilles perçoivent un son très aigu.
Allongeons encore la lame: elle vibre moins vite., et nous entendons un son grave
Allongeons toujours; elle bat moins vite encore, nos yeux en témoignent ; mais nous n'entendons plus rien...
Donc notre grossière oreille n'est sensible aux vibrations de l'air que si elles se produisent avec une fréquence (un nombre de fois en une seconde), dont le maximum et le minimum sont relativement très rapprochés. Elle est sourde à toute vibration qui se reproduit soit plus de 2000 fois en une seconde,
soit moins de 20 fois. Entre les sons suraigus et les sons ultra-graves se trouvent les sons dits Musicaux.
Nous percevons quelques ondes de l'éther (la lumière), - Dans le domaine de la lumière, l'insuffisance humaine se révèle de façon analogue. L'œil de l'homme ne perçoit qu'une' faible portion du spectre lumineux: les ondes de l'ultra-violet et de l'infrarouge, dont les effets sont cependant si puissants sur d'autres êtres, ne l'impressionnent aucunement...

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